Nous avons eu de la chance de pouvoir fuir et de survivre
En avril dernier, Widad a été blessée par l’explosion d’une mine à Mossoul. Amputée de la jambe droite, elle est actuellement prise en charge à l’hôpital de Hamdaniyah, où un physiothérapeute de Handicap International lui rend visite régulièrement pour des sessions de réadaptation.
(c) T. Mayer / Handicap International
Lorsque Salam, physiothérapeute de Handicap International, pénètre dans la chambre de Widad, celle-ci est en train de bercer sa fille Hadil, âgée de tout juste six mois. "C’est ma seule fille" explique-t-elle en la regardant tendrement. "Avec mon mari, nous avions essayé pendant des années d’avoir des enfants, avant sa naissance. Aujourd’hui, je ne sais pas si je serai capable d’en avoir d’autres, compte tenu de ma condition… " Widad baisse les yeux vers le sol, elle se remémore l’accident qui a changé sa vie, il y a tout juste un mois. "La vie était très dure à Mossoul. Les bombardements et les explosions étaient constants et nous vivions avec la peur au ventre. Un jour, c’est notre maison qui a été touchée. Nous avons réussi à nous extirper des gravats et nous avons tenté de fuir. Nous étions une vingtaine de personnes, toutes du même quartier, essayant de rester en vie et de sortir de la ville… Et puis, j’ai marché sur une mine."
Widad regarde Hadil, qui s’est endormie dans ses bras. "J’espère qu’elle ne se rappellera pas…", dit la jeune mère, doucement. "Je la tenais contre moi à ce moment-là. Mais lorsque la mine a explosé, je l’ai jetée en l’air, pour qu’elle ne soit pas touchée. Heureusement, elle n’a été que légèrement blessée. Je ne peux pas en dire autant des autres personnes qui étaient avec nous. J’ai vu mon oncle mourir sous mes yeux, une petite fille aussi… Et j’étais très gravement blessée au niveau de la jambe."
"L’espoir reviendra"
Widad est transportée dans plusieurs hôpitaux avant d’arriver à Hamdaniyah. C’est là qu’elle rencontre Salam. Le physiothérapeute de Handicap International lui rend visite régulièrement, pour l’aider à s’adapter à sa nouvelle situation. "Je fais mon possible pour que Widad puisse être en mesure de recevoir une prothèse un jour. Je fais des exercices avec elle quotidiennement, pour fortifier ses muscles notamment." Widad semble très motivée et s’applique à faire tous les exercices initiés ou recommandés par le professionnel de l’association. "Le jour où j’aurai une nouvelle jambe, ma vie reprendra et l’espoir reviendra", dit-elle en souriant.
Salam essaie de ménager les attentes de la jeune mère, conscient des difficultés à venir. "Widad pense qu’elle a besoin de cette prothèse pour vivre, mais c’est une femme très forte et elle ne devrait pas attendre d’être appareillée pour aller de l’avant. Le nombre de personnes amputées est si important que cela pourrait prendre beaucoup de temps… J’essaie vraiment de lui faire comprendre qu’elle est capable de faire beaucoup, même avec une jambe, tout en maximisant ses chances de recevoir, un jour, une prothèse avec nos exercices."
Des maisons infestées de restes explosifs
Le physiothérapeute tend le déambulateur offert par l’association à Widad, et lui suggère de continuer la session de réadaptation à l’extérieur de la chambre. Widad se met debout et commence à marcher. Alors qu’ils traversent un couloir de l’hôpital, elle partage ses craintes vis-à-vis du futur avec Salam. "Quand je sortirai d’ici, j’irai rejoindre mon mari dans un camps de déplacés. Je ne peux pas retourner à Mossoul, nous avons tout perdu là-bas: notre maison, notre voiture… c’est tout notre quartier qui a été détruit. J’ai des proches qui sont encore dans la ville et je leur parle parfois. Ils me disent que les bombardements sont incessants. Certains ne peuvent même pas fuir, les portes de leur maison ont été scellées et ils sont pris au piège… Nous avons eu de la chance de pouvoir fuir et de survivre. J’entends aussi les histoires de ces personnes qui reviennent chez elles et meurent car leurs maisons sont infestés de restes explosifs. Je ne prendrai pas ce risque. J’ai trop peur pour ma famille, pour ma fille…"
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