19 mai 2014. Décor montagneux, lumières dorées, la région du Cachemire est magnifique. Simran, petite brune, six ans, et son frère Fayaz, trois ans, jouent près de la maison. Simran s’approche d’un objet posé sur le sol, atypique. "Une balle !". Elle se penche et le saisit. Lourde explosion. C’est la catastrophe.
"Je les entends encore hurler: ‘Firdousa, tu as tout perdu’ ! Une vraie descente aux enfers", confie Firdousa, le regard triste face à son thé chai. "On vivait dans une zone située près de la frontière, contaminée par des restes explosifs de guerre. C’était un obus, laissé sur le sol. Ma fille est morte sur le coup".
Durant une semaine, la famille cache la vérité à Firdousa. Ne pas alourdir sa peine. "Je savais pour ma fille. Mais on me disait que Fayaz était simplement blessé". Elle se rend finalement à l’hôpital. Reyaz, son mari, l’accompagne: "Tu restes calme, tu gardes tes esprits". Elle entre et voit son petit Fayaz, couché, sans jambe. Deux moignons. Elle s’effondre. "Je n’avais plus qu’une pensée en tête: mettre fin à mes jours. J’ai pris Fayaz dans les bras. Il m’a demandé pourquoi je pleurais. J’ai parlé d’un rhume. Pendant plusieurs jours, il répétait sans cesse aux médecins: ‘Donnez-moi du poison qui tue la douleur. Je ne veux pas que ma maman s’inquiète’ ".
Les jours passent, sombres. Firdousa et Reyaz pleurent leurs enfants. Un matin, la famille prépare quelques valises, embrasse les proches et quitte le village. "Avec la situation de Fayaz, impensable de rester à la campagne. Les centres de santé sont trop loin, la région est trop vallonnée. Nous avons loué une petite pièce dans un immeuble en ville, à Srinagar. Un déchirement", explique Firdousa.
Fayaz apprivoise la solitude. Découvre l’injustice. Essaie de comprendre: "Si je grandis, ma jambe va pousser aussi ?" "Si on met un bandage autour de ma jambe, on peut en mettre un sur la tête de ma sœur, et elle va revenir ?". La colère l’envahit régulièrement. Il casse ses jouets, devient parfois dur avec d’autres petite filles – le manque de sa sœur qui le hante. Un lourd fardeau pour un enfant de quatre ans.