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Le rôle des parlementaires pour un avenir sans mines : l'appel de Gniep Smoeun, survivante et porte-parole de Handicap International

Inclusion
Suisse

Lors de la conférence de l'Union Interparlementaire à Genève « Conflits armés et handicap : renforcer l’action parlementaire pour aborder la question du handicap pendant et après les conflits armés », marquant le 25e anniversaire du Traité d'interdiction des mines antipersonnel, Gniep Smoeun, survivante d’une mine au Cambodge et porte-parole de Handicap International, a partagé son histoire. Amputée à l'âge de 10 ans après avoir marché sur une mine, elle a rappelé aux parlementaires l'urgence d'agir pour protéger les civils des ravages des mines et des armes à sous-munitions. Découvrez son discours complet.

1982, Camp de réfugiés de Khao I Dang, Gniep, 10 ans, victime de mine, une des premières bénéficiaires, centre d'appareillage / 1982, Refugee camp, Khao I Dang ; Gniep, 10, Mine victim, one of the first beneficiaries, Orthopaedic workshop.

Gniep durant son discours, le 15 octobre 2024 à Genève | ©Union Interparlementaire

Son Altesse Royale le Prince Mired de Jordanie,

Distingués co-panélistes

Honorables parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Je m'appelle Gniep Amélie Smoeun et je suis ici aujourd’hui pour vous partager mon histoire. Comme vous pouvez le voir à l’écran, cela commence durant mon enfance. J'avais à peine dix ans lorsque ma vie a basculé. Ce jour-là, alors que j’allais chercher de l'eau pour ma famille, j'ai marché sur une mine antipersonnel, à la frontière entre la Thailande et le Cambodge. En une fraction de seconde, ma jambe droite m’a été arrachée, tout comme mes rêves d’enfance, notamment celui de devenir danseuse. Cet instant a brisé à jamais mes inspirations et conditionnent mon avenir. 

 

Gniep a été une des premières bénéficiaires de Handicap International

J'ai frôlé la mort et dû subir 17 opérations douloureuses pour survivre. Mais la survie ne fait pas tout… Dans un pays touché par la guerre civile comme le Cambodge, les appareils d'assistance tels que les prothèses étaient rares. Ni les ressources financières ni les ressources médicales n'étaient suffisantes pour en produire suffisamment et les distribuer aux personnes concernées, surtout au vu du grand nombre de personnes dans le besoin. Dans le camp de réfugiés où je vivais à l'époque, à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, il y avait environ 6000 autres personnes amputées. C’était un océan de tentes bleues où régnait la loi du plus fort.  

C’est grâce à l’engagement de personnes exceptionnelles, comme le docteur Jean-Baptiste Richardier et son équipe, que j’ai pu recevoir ma première prothèse, un an après l’accident. Fondateur de Handicap International, il a créé cette organisation pour répondre aux souffrances et aux espoirs de milliers de personnes amputés comme moi — des enfants, des femmes, des hommes civils pour la plupart, — pris dans les tragédies de la guerre.

Depuis, j’ai dû réapprendre à marcher et mes prothèses me permettent de mener à nouveau une vie relativement normale et réacquérir une certaine forme d’indépendance et surtout, de dignité humaine.

Forgée par ces expériences douloureuses, je suis devenue infirmière et je vis aujourd'hui en France. Mais mon parcours de survivante n’a pas toujours été facile. Encore aujourd’hui les préjugés sont pléthores sur le handicap et les barrières restent malheureusement encore nombreuses. Comme par exemple, l’accès au travail : donner l’exemple.

Je m'estime extrêmement chanceuse d'être ici aujourd'hui, parmi vous. Mais des milliers de victimes n’ont pas eu cette chance de survivre. Et parmi ceux qui sont restés en vie, beaucoup sont enfermés dans un cycle de pauvreté lié à leur handicap. Comme vous le savez peut-être, le lien entre handicap et pauvreté constitue un fossé abyssale entre le besoin personnel et la nécessité sociétale : manque d’accès à l’éducation, opportunités professionnelles limitées voire inexistantes, salaires plus bas, et coût élevé de la vie pour les personnes handicapées. Ces réalités plongent de nombreux survivants dans une précarité en lien avec leur handicap et leurs besoins les plus élémentaires et une vulnérabilité extrêmes et durables.

C’est pourquoi le Traité d'interdiction des mines antipersonnel, dont nous célébrons aujourd'hui le 25e anniversaire et dont j’ai toujours été une fervente défenseuse dès 1989, est un outil important pour mettre un terme à toute ces souffrances ; un symbole d'espoir, de résilience, de justice et de considération. Il a permis de sauver des milliers de vies et de prévenir des souffrances inutiles dans de nombreuses régions du monde. Mais malgré les progrès, les obstacles restent encore nombreux.

C’est pour ces raisons, Honorables parlementaires, que je m'adresse à vous aujourd'hui. Vous, en tant que législateurs nationaux, avez un rôle essentiel à jouer dans la poursuite de cette lutte. 

À ce jour, 164 États sont parties au traité. Bien que cela représente plus de 80 % des États du monde, nous manquons encore d'États parties. Vous avez le pouvoir et la responsabilité de faire bouger les choses ! Votre pouvoir d’action est multiple : 

Incitez vos gouvernements à ratifier ou à adhérer à ce traité, à adopter une législation conforme aux obligations du traité et à tenir les gouvernements responsables du respect de ces obligations.

Il en va de même pour le traité tout aussi important qui interdit une autre arme qui tue aveuglement: la Convention sur les armes à sous-munitions. Assurez-vous que votre gouvernement n'accepte aucune violation de ces traités ni aucun affaiblissement des normes internationales importantes qu'ils ont établies.

Pour ce faire, je vous invite à collaborer avec la société civile et les coalitions internationales, telles que la Campagne internationale pour l'interdiction des mines antipersonnel - Coalition contre les armes à sous-munitions (ICBL-CMC), afin de sensibiliser l'opinion publique et de mener des actions de plaidoyer aux niveaux national et international. Utilisez également les voies diplomatiques pour faire pression sur les États non-signataires afin qu'ils adhèrent à ces conventions vitales.

Vous, en tant que parlementaires, avez le pouvoir d’agir à travers vos fonctions législatives, budgétaires et de contrôle. Vous pouvez garantir que les droits des personnes handicapées, inscrits dans les instruments juridiques internationaux, soient effectivement reconnus et appliqués au niveau national, aussi bien pendant, qu’après les conflits. Il est essentiel de sensibiliser vos citoyens aux difficultés spécifiques rencontrées par les personnes handicapées pendant les confilts et de veiller à ce que les groupes les plus vulnérables, comme les femmes et les enfants handicapés, bénéficient des protections spéciales dont ils ont besoin.

En ratifiant des traités tels que la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et en adoptant des lois nationales adaptées, les parlements peuvent garantir la protection et l'inclusion des personnes handicapées dans la reconstruction post-conflit.

Vous jouez également un rôle clé dans l'obtention d'allocations budgétaires pour la réhabilitation, les technologies d'assistance et l'aide humanitaire inclusive, en particulier dans les situations d'urgence.

Aussi, utilisez votre rôle crucial de surveillance pour vous assurer que les lois et les programmes sont effectivement mis en œuvre et que les gouvernements sont tenus responsables de la sauvegarde des droits des personnes handicapées.

Enfin, en promouvant la coopération internationale, vous pouvez encourager vos gouvernements à conclure des partenariats régionaux et à fournir une assistance financière et technique aux États touchés.

Son Altesse Royale le Prince Mired de Jordanie,

Honorables parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Alors que nous célébrons les avancées réalisées au cours des 25 dernières années, il est crucial de rappeler que le travail est loin d’être terminé. La menace des mines antipersonnel demeure, continuant de tuer et de mutiler quotidiennement. Tant que des pays continueront d’employer ces armes ou de conserver des stocks, et tant que des enfants, des hommes et des femmes innocents vivront l’horreur de ce que j'ai vécu, nous devons rester mobilisés et unis face à cette menace.

Le 25e anniversaire du Traité d'interdiction des mines antipersonnel est à la fois une célébration et un puissant rappel du chemin colossal qui nous reste à parcourir. Honorables parlementaires, vous êtes les piliers de ce combat. Votre engagement, votre vigilance et votre dévouement sont essentiels pour transformer ce monde en un lieu où les mines antipersonnel n'ont plus leur place.

Au nom de tous les survivants de mines, et de ceux qui n’ont pas eu ma chance, nous comptons sur vous pour faire la différence. Soyez conscients du pouvoir que vous détenez. Nous sommes à vos côtés pour vous soutenir dans cette mission, en partageant nos témoignages et en vous conseillant sur les besoins réels des communautés touchées. Je me réjouis de poursuivre cette discussion sur des actions concrètes dans le cadre de ce panel. Je vous remercie de votre attention.

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